Burundi : Contributions « forcées » pour les élections de mai 2020

Malgré que le Président de la République avait annoncé en juillet 2019 la suspension de ces contributions, celles-ci continuent à être collectées, souvent sous forme coercitive.

En juillet 2017, le président Nkurunziza a annoncé que le gouvernement commencerait à collecter des fonds sur une base « volontaire » pour le financement des élections de 2020. N’ayant pas précisé le montant nécessaire, « le ministre des Finances indiquera plus tard, que l’objectif était de 70 milliards de Fbu », font savoir nos collègues de la VOA. Comme pour montrer un exemple, le Président burundais déposera publiquement cinq millions de fbu sur un compte ouvert pour l’occasion à la banque centrale.

Il y effectuera trois autres versements depuis. Un an plus tard, en juin 2018, le ministre des Finances du Burundi déclarera que 17 milliards de fbu avaient déjà été collectés dont 8,9 milliards collectés auprès de la population de base. Un décret conjoint signé par les ministères des Finances et de l’Intérieur le 11 décembre 2017 définira par la suite trois catégories de « contributeurs » : les « non-salariés », les « fonctionnaires » et les « autres ».

Malgré le caractère dit « volontaire » de ces contributions, ce décret contenait des indices selon lesquels « le régime qu’il met en place pourrait ne pas être entièrement volontaire », selon une étude de ICG (International Cris Group). C’est notamment que le texte précisait un montant annuel pour les citoyens non salariés de 2 000 fbu par ménage et de 1 000 fbu par enfant en âge de voter en 2020. « En outre, le décret impose aux fonctionnaires de verser un pourcentage de leur salaire selon un barème mobile, obligeant ceux qui perçoivent un salaire plus élevé à contribuer davantage et fixant la participation annuelle maximale à l’équivalent d’un mois de salaire », indique l’organisation.

Des contributions coercitives

Malgré les affirmations du gouvernement selon lesquelles, ces paiements sont volontaires, « de nombreux Burundais ont payé les contributions parce que les autorités sévissaient contre ceux qui refusaient de le faire », selon le dernier rapport de ICG. Des Burundais interrogés par cette Organisation indiquent que « une personne de la police ou du gouvernement local se rendait directement au domicile des citoyens pour collecter les contributions, accompagnée des Imbonerakure.La milice intimidait les citoyens qui ne voulaient pas payer ou qui ne pouvaient pas payer, en recourant parfois à la violence. Ceux qui refusaient de payer risquaient l’incarcération. » Selon toujours le rapport, « ceux qui réussissaient à échapper aux menaces et aux abus et n’avaient pas payé, ou qui avaient payé et n’avaient pas de reçu, en subissaient souvent les conséquences. » Certains se sont ainsi vus refuser des services publics tels que les soins de santé et l’enre¬gistrement des mariages ou des naissances. Les enfants de familles accusées de ne pas payer se voyaient également refuser l’accès à l’école, jusqu’à ce que le ministre de l’Education Janvière Ndirahisha mette fin à cette pratique en février 2019.

Des citoyens se sont aussi vu refuser l’accès aux marchés avant qu’ils ne présentent un reçu aux Imbonerakure à l’entrée. Sans reçu, les membres de la milice exigeaient le paiement sur place. La remise en question du système pouvait également mettre une personne en danger. En juillet, un membre du parti d’opposition CNL a été arrêté dans la commune de Kayogoro, au sud du Burundi, pour avoir demandé aux Imbonerakure qui collectaient les fonds à quoi servirait l’argent, signale toujours le rapport.

Après investigations, la VOA a aussi indiqué qu’« un étudiant a payé 4 fois cette contribution au mois de mars dernier, pour avoir les documents nécessaires pour se faire inscrire à l’université. »
Selon Nelleke van de Walle chargée de l’Afrique centrale à ICG interrogée par Iwacu : « L’organisation d’élections sans devoir fortement compter sur l’aide étrangère, et de manière plus générale l’autosuffisance financière sont (…) des objectifs légitimes. Cependant, les autorités ne devraient pas chercher à l’atteindre aux dépens d’un peuple déjà appauvri, en prélevant de l’argent en dehors du régime fiscal officiel. »