« LE BURUNDI DE NOS RÊVES » Rapport GRADIS

Légende : Où va le Burundi ? - Photo GRADIS

Notes de lecture par Athanase Karayenga

Extrait du « Résumé Exécutif »

« Le but de la recherche était d’appréhender les perceptions des réfugiés burundais, dans leur diversité, sur la manière de résoudre les questions fondamentales qui sont à la base de la récurrence des conflits au Burundi. Dégager ainsi leur vision sur les conditions nécessaires à leur retour au pays et surtout la construction d’une paix et d’un développement justes et durables au Burundi.

L’enquête a été conduite de manière qualitative auprès d’un échantillon de 100 réfugiés, âgés de plus de 18 ans. Ils ont été choisis de. manière à être représentatifs des différentes catégories, comprenant des réfugiés urbains et ceux vivant dans des camps du Rwanda et de Tanzanie. Au Rwanda, les sites d’enquête choisis, sont en plus du camp de Mahama, les villes de Kigali, Nyamata, Huye et Muhanga où se trouvent les plus grandes concentrations de réfugiés urbains. En Tanzanie, ce sont les camps de Nyarugusu et Nduta. Les enquêtés ont été répartis de façon équitable par site et comprennent environ 30% de femmes. »

1.Ce rapport constitue une mine d’or.

Les propositions pour penser le Burundi de demain contenues dans le rapport de GRADIS devraient être largement partagées. Tout le peuple burundais devrait en prendre connaissance et s’emparer des résultats de cette enquête unique.
Cette enquête qualitative constitue une matière première précieuse pour imaginer les voies de sortie de cette interminable crise que traverse le Burundi , d’une part, et pour instaurer, enfin, un Etat de droit garantissant la protection et la promotion des droits et libertés fondamentales de tous les citoyens burundais. Sans exception ni exclusion.

2.Quelques réflexions rapides pour prolonger les analyses contenues dans le rapport.

Le CNDD-FDD utilisera tous les moyens pour se maintenir au pouvoir en organisant des élections fraudées. Il a besoin de protéger les responsables au plus haut niveau qui craignent, tôt ou tard, des poursuites judiciaires pour crimes de sang et crimes économiques. En outre, ces haut responsables veulent garder, à tout prix, le monopole des entreprises publiques et privées sur lesquelles ils ont fait main basse. Parmi celles-ci figurent les entreprises d’extraction minière notamment. C’est donc un comportement mafieux classique pour protéger les biens mal acquis. Pour cela, le CNDD-FDD n’hésitera pas pour pervertir le processus électoral.

Le rapport GRADIS rappelle à plusieurs reprises la déperdition des valeurs morales issues de la culture burundaise.

Pour être efficaces, il me semble, néanmoins, que les solutions morales préconisées par beaucoup de participants à l’enquête de GRADIS, devraient être ancrées dans des solutions institutionnelles telle que la séparation effective des pouvoirs, très souvent évoquée par ailleurs dans le rapport, telle que la décentralisation, l’autonomie de la justice et le rôle essentiel des médias comme espace d’épanouissement des libertés fondamentales d’expression, d’information et d’opinion dont doivent jouir tous les citoyens burundais.

3.Exemples de réformes institutionnelles.

Il faudrait rebondir sur les résultats de cette enquête extraordinaire pour lancer un chantier concernant précisément des réformes institutionnelles et administratives qui s’inspirent de l’Accord de Paix et de Réconciliation d’Arusha. Cependant, ces réformes devraient aller plus loin que cet accord. Je pense notamment à la réorganisation du pays en grandes régions qui remplaceraient les provinces.
Il y a plusieurs mois, et ce dans le cadre des réflexions menées au sein de la Fondation Bene Burundi, j’ai proposé une réflexion sur une réforme en profondeur de l’organisation institutionnelle et administrative du pays s’inspirant du modèle suisse de partage rotatif du pouvoir. Cette réforme propose, en effet, la réorganisation du Burundi en six provinces.

Le programme du Mouvement Orange, représenté par M. Francis Rohero dans le cadre des futures élections présidentielles, propose également une réforme administrative en cinq provinces
Dans la proposition de la Fondation Bene Burundi, l’articulation entre les pouvoirs de l’administration centrale, des régions et des communes pourrait s’inspirer des modèles d’organisation des Cantons suisses ou des Landers allemands.

Par exemple, si le Burundi était organisé en 6 grandes régions autonomes, il serait possible de s’inspirer de l’Accord d’Arusha et de s’assurer que les postes de de gouverneurs sont répartis comme suit : 3 Hutu, 1 Ganwa, 1 Tutsi et 1 Twa. En outre, sur les 6 gouverneurs, 3 seraient obligatoirement des femmes et 3 des hommes.
En outre, en s’inspirant du modèle suisse, chaque gouverneur de région deviendrait, pendant un an, à tour de rôle et par rotation, le Chef d’Etat du Burundi. Sans cesser d’être gouverneur de sa région cependant. Au moment où il exerce les responsabilités de Chef d’Etat, il serait remplacé à la tête de la région par son Vice-Gouverneur et redeviendrait Gouverneur de sa région à plein temps après son mandat à la tête de l’Etat.

Cette réforme structurelle des institutions produirait un système politique apaisé car associant toutes les composantes de la population.
Au niveau de l’administration centrale, le pays serait doté d’un gouvernement composé de 10 ministres au maximum. Les ministres seraient élus par l’Assemblée nationale, sur proposition des partis politiques représentés au sein de celle-ci.
Ce système de rotation à la tête de l’Etat permettrait surtout aux femmes d’exercer les plus hautes fonctions de l’Etat et ce à égalité avec les hommes. Il permettrait aux minorités « ethniques » d’accéder également au pouvoir. Deux avancées institutionnelles majeures par rapport à Arusha !

En effet, le système d’élection du président de la République au suffrage universel, inspiré du modèle français ou américain, exclut pour très longtemps les femmes et les minorités communautaires. Car ce système génère un climat de violence exacerbée pour accéder au pouvoir. Il ne permettra qu’à des mâles Hutu d’émerger et d’être élus au bout d’une lutte acharnée où tous les coups bas sont permis et notamment l’utilisation des solidarités négatives ethniques.
Le pays serait doté d’une seule Assemblée nationale et entraînerait par conséquent la suppression d’un Sénat superfétatoire. L’Assemblée constituerait véritablement l’unique institution qui représente le peuple au niveau national. Toutes les autres institutions seraient soumises à son contrôle.

La Justice constituerait une institution autonome organisée et supervisée par la Cour Suprême dont les juges seraient élus à vie par l’Assemblée nationale.
L’armée, sur le modèle suisse, deviendrait une armée populaire et aurait à sa tête un seul Général élu, lui aussi, par l’Assemblée nationale.
Tous les jeunes, garçons et filles, participeraient à la défense nationale dans un système de conscription généralisée.
Ainsi l’armée de métier serait considérablement réduite afin d’éviter qu’elle écrase et domine les institutions politiques du Burundi comme cela est le cas depuis l’indépendance du pays.

4.Programme spécifique de suivi et de soins psychiatriques pour les réfugiés.

Parmi les mesures de suivi et d’accompagnement des réfugiés, il me semble également très important et très urgent d’imaginer un système de soins psychiatriques, psychologiques, etc. Car, beaucoup de nos concitoyens en exil, comme le relève le rapport GRADIS, sont victimes de traumatismes profonds et devraient être soignés par des spécialistes aussi bien en exil qu’après le retour au pays.
Parmi les séquelles de l’exil qu’il faudra soigner avec l’aide des spécialistes, figurent aussi les conséquences de l’alcoolisme, de la consommation de stupéfiants, de la prostitution, etc.
Ces fléaux ne sont pas mentionnés explicitement dans le rapport GRADIS. Cependant, on sait qu’un des grands défis de la vie collective et confinée dans les camps de réfugiés, partout dans le monde, figurent ces fléaux.

5.La médiatisation tous azimuts des résultats du rapport GRADIS.

Je pense vraiment qu’il faudrait imaginer toutes les solutions possibles pour médiatiser le plus largement possible le contenu de ce rapport GRADIS, excellent quant au fond et à la forme. Sa mise en page, en particulier, est d’une élégance remarquable et contient des photos qui montrent combien le Burundi est encore un pays magnifique. Malgré tout !
Tous les malheurs qui l’assaillent depuis tant d’années n’ont pas réussi à avilir la beauté fulgurante de ses paysages.

Enfin, le rapport GRADIS est tellement riche en analyses et propositions pertinentes qu’il n’est pas possible de les évoquer toutes ici dans une courte note de lecture.
Les témoignages des réfugiés sur les raisons et les conditions de leurs fuites, sur les sévices physiques et morales, les tortures et les viols qu’ils ont subies, sur les meurtres de leurs proches sont absolument bouleversants. Ils donnent le vertige ! En effet… « Où va le Burundi ? ..... »

Athanase Karayenga
Fondation Bene Burundi
fondation.bene.burundi@gmail.com
Le 26.03.2020