Break sur la politique ivoirienne

En marge de l’actualité « corona » qui occupe le monde aujourd’hui, reposons un peu nos esprits en faisant un petit retour sur l’actualité politique ivoirienne.

La grande dernière ayant été le renoncement du président actuel au 3è mandat qui lui a valu des acclamations de toutes parts, nous avons approché Yvonne Toba pour un petit décryptage. Elle est coordinatrice du mouvement citoyen No-Vox Côte d’Ivoire et Secrétaire Générale de la coalition Tournons la Page Côte d’Ivoire.

PFM : Parlez-nous du sentiment général de la population après l’annonce d’ADO par rapport à son renoncement au 3è mandat

YT : Nous avons ressenti un soulagement même si on sait qu’ADO n’avait pas d’autre choix parce que la constitution ne lui permettait pas de briguer un 3ème mandat.

PFM : La constitution de 2016 prévoyant 2 mandats il pouvait quand-même forcer et prétendre qu’il était dans son 1er mandat après l’adoption de cette constitution (2016)

YT : Non puisque l’adoption de la constitution de 2016 ne met pas en cause celle qui existait avant. Il était dans son deuxième mandat pendant la modification donc il savait qu’il ne pouvait plus se présenter puisqu’il n’y a pas d’article qui dit qu’après la modification il fallait remettre le compteur des mandats à zéro. Notre constitution est claire sur l’affaire de mandat et ça Ouattara le sait.

PFM : Pensez-vous qu’il soit de bonne foi ou qu’il y a quelque chose derrière ?

YT : Je ne pourrais dire s’il est de bonne foi ou pas mais ce que je sais c’est qu’un politicien ne fait rien pour rien. La preuve est qu’il vient de faire passer la loi sur la réforme constitutionnelle sans aviser son peuple alors que nous sommes à quelques mois des élections, malgré l’opposition de certaines organisations de la société civile et les partis de l’opposition. Alors nous nous demandons pourquoi ce coup de force alors qu’il dit vouloir se retirer.

PFM : Quelle nouveauté y a-t-il dans cette constitution qui soit en sa faveur ou de celle de son camp ?

YT : Le fait de vouloir proroger le mandat des députés est en sa faveur puisque son parti est majoritaire à l’Assemblée. Le vice-président qui devait être élu sur la liste du président de la république selon la constitution de 2016, sera avec cette nouvelle constitution nommé par le président élu. En 2016 il avait défendu cet article sur l’élection du vice-président comme quoi ça allait créer la stabilité du pouvoir. Les ivoiriens attendent d’expérimenter cette phase quand il annonce la modification de cet article. Nous voulons que celui qui va remplacer le président en cas de vacances de pouvoir soit légitime et non nommé sinon désigné par le président.

PFM : La population d’une façon générale est pour le camp d’ADO ou pour le camp de l’opposition ?

YT  : En réalité la population n’est ni pour le camp ADO ni pour l’opposition, elle est pour le changement. On en a marre de ces politiciens véreux qui ne pensent qu’à leurs intérêts et non celui du peuple. Les politiciens ont échoué dans leur mission et la population est consciente de ce fait. Il y a des gens aujourd’hui qui ne veulent plus entendre parler de politique tellement ils sont déçus. Donc je pense que la population suivra celui qui sera plus proche d’elle, celui qui apportera une solution concrète aux différents problèmes sociaux, celui qui mettra le social au centre de sa politique.

PFM  : De quels problèmes sociaux parlez-vous ?

YT : Les problèmes sociaux dont je parle sont notamment le taux de chômage grandissant ; selon les chiffres de la BAD on est à près de 90% du taux de chômage, l’insécurité, la cherté de la vie, les conditions difficiles des étudiants sur le campus, les déguerpissements des populations pauvres pour les projets de développement sans relogement, l’accaparement des terres des paysans dans les zones rurales etc...

PFM : Comment Guillaume Soro pense-t-il se faire élire alors qu’il est sous mandat d’arrêt et qu’il ne peut donc pas voyager au pays ?

YT : Je ne pourrais répondre à cette question puisque je ne suis ni pro-Soro ni membre de son parti. Soro lui-même pourrait vous partager sa stratégie.

PFM : Pourquoi Gbagbo ne rentre-t-il pas au pays alors qu’il a été relaxé par la CPI ?

YT : Je pense que Gbagbo ne peut pas rentrer tout simplement parce que le pouvoir en place s’oppose à son arrivée. Nous savons tous que le procès de la CPI est purement politique donc il faut une volonté politique pour que Gbagbo rentre.

PFM : Quelles chances lui donnez-vous au cas où il se faisait élire ?

YT : Je ne saurais mesurer les chances de Gbagbo mais je pense qu’il aurait au moins les mêmes chances que les autres candidats.

PFM : Combien de candidats présidentiels y a-t-il jusqu’à maintenant et combien parmi eux sont de l’opposition ?

YT : On n’a pas encore la liste définitive des candidats mais je pense qu’il y a le parti au pouvoir qui a déclaré son candidat Amadou Gon Coulibaly, pour l’opposition il y a : Soro Kigbafori Guillaume de GPS, Mamadou Coulibaly de LIDER, Affi N’guessan de FPI dissident. On attend le candidat du PDCI et celui du FPI pro-Gbagbo.

PFM : Quelle est l’identité politique des prisonniers qui ont été relâchés ?

YT : Les jeunes qui ont été relâchés sont des leaders d’organisations membres de Tournons la Page Côte d’Ivoire dont mon organisation No-Vox Côte d’Ivoire. Ils ne sont pas d’un parti politique, c’est une activité que Tournons la Page Côte d’Ivoire a organisé pour montrer son opposition quant à la modification de la constitution.

PFM : Ne pensez-vous pas qu’il y ait des mobiles politiques derrière cette libération et lesquels peuvent-ils être à votre avis ?

YT : Cette libération a été effective grâce à la mobilisation des ivoiriens sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’arrestation des camarades, mais aussi l’implication des défenseurs des droits de l’homme au niveau national et international. Il n’y a pas eu à ma connaissance la main des politiques derrière cette libération. C’est l’occasion pour nous de réitérer nos remerciements à Amnesty international Côte d’Ivoire, Tournons la Page International, la Coalition des Défenseurs des Droits de l’homme(CIDDH) et tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la libération de nos camarades.

PFM : Un petit rappel sur les prévisions de mandats de l’actuelle constitution et la date de la prochaine présidentielle ?

YT  : L’article 55 de l’actuelle constitution prévoit que le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois. La prochaine présidentielle est prévue quant à elle le 31 octobre de cette année.