Burundi:Disparition forcée du journaliste Jean Bigirimana : huit ans de silence , d’impunité et de souffrance

Le 22 juillet 2016, dans l’après-midi, le journaliste du journal Iwacu, Jean Bigirimana, a été enlevé par les services de renseignement du Burundi à Bugarama, dans la commune de Muramvya, alors qu’il allait rencontrer un jeune homme nommé Abel Ahishakiye. Ce dernier a également été enlevé trois semaines plus tard.
Qui est Jean Bigirimana ?
Jean Bigirimana est né en 1979 sur la colline de Muganza, dans la commune de Gisagara, province de Cankuzo. Il a commencé à rencontrer des difficultés lorsqu’il était en septième année, pendant l’année scolaire 1995-1997, au Lycée Rusengo à Ruyigi. Bien qu’il ait échappé à la mort lors des troubles survenus à cette école, son oncle Barnabé, élève de huitième année au même établissement, y a trouvé la mort. Par la suite, Jean Bigirimana a poursuivi ses études secondaires au collège communal de Gisagara, puis au Lycée Muyaga.
Les épreuves qu’il a subies en septième année ont poussé Jean Bigirimana à rejoindre le mouvement CNDD-FDD alors qu’il était encore au lycée, période où le CNDD-FDD était en lutte armée. Ceux qui l’ont connu à cette époque témoignent de son intelligence remarquable et de sa capacité à combiner études et militantisme. En 2006, Jean Bigirimana a intégré l’Université du Burundi pour étudier le droit, obtenant son diplôme de licence avec succès.
Grâce à son dévouement exceptionnel, Jean Bigirimana a conjugué ses études universitaires avec une carrière dans le journalisme à la Radio Rema FM. À cette époque, cette radio était considérée comme un instrument de propagande du gouvernement du Président Pierre Nkurunziza. Jean y a travaillé pendant quatre ans, se distinguant par son ardeur et son efficacité, grimpant rapidement les échelons. Il a été aidé dans sa carrière par son frère Léonidas Hatungimana, porte-parole du Président Nkurunziza, et Willy Nyamitwe, chargé de la communication à la présidence.
Jean Bigirimana ne soutenait pas le troisième mandat de Nkurunziza
Depuis 2014, Jean Bigirimana a commencé à dénoncer les exactions du régime de Nkurunziza sans hésiter à exprimer ses opinions à ses collègues. En 2015, bien qu’il n’ait pas participé aux manifestations, il a clairement affirmé son opposition au troisième mandat de Nkurunziza, qu’il considérait comme anticonstitutionnel et contraire aux Accords d’Arusha.
De plus, Jean Bigirimana était perçu comme le frère cadet de Léonidas Hatungimana, un des premiers à s’opposer au troisième mandat et actuellement dirigeant du parti PPD-Girijambo, regroupant des anciens membres du CNDD-FDD opposés à ce mandat. Cela a fait de Jean une cible, au point qu’il était ostracisé dans son milieu professionnel et menacé. Après l’incendie de la Radio FM, il a travaillé pour le journal Infos Grands-Lacs avant de rejoindre Iwacu en juin 2016.
L’enlèvement de Jean Bigirimana
Le 22 juillet 2016, Jean Bigirimana s’est rendu à Bugarama, commune de Muramvya, pour rencontrer un jeune homme nommé Abel Ahishakiye, sans savoir que ce dernier travaillait pour les services de renseignement. À son arrivée, Jean a été capturé par des agents du renseignement, ligoté et emmené en voiture à Muramvya. Depuis, personne ne l’a revu. Sa famille a été fortement intimidée et manipulée par les agents du renseignement, sous prétexte d’effectuer des recherches.
Abel Ahishakiye a lui aussi été enlevé par les services de renseignement le 11 août 2016, trois semaines après la disparition de Jean. Il a été arrêté à Kamenge par Olivier Nibitanga, alors chef du renseignement de la province de Muramvya, et actuel gouverneur de la province de Rutana. Abel avait beaucoup travaillé avec Olivier Nibitanga lorsqu’il dirigeait les renseignements à Muramvya.
Après l’enlèvement de Jean Bigirimana, les autorités ont tenu des propos cyniques à l’égard de sa famille. Willy Nyamitwe, ancien ami de Jean et porte-parole du Président Nkurunziza, a accusé les opposants du gouvernement d’avoir enlevé Jean pour ternir l’image du régime. Jean de Dieu Mutabazi, ancien président de l’Observatoire National pour la Prévention et l’éradication du génocide, des crimes de guerre et des autres crimes contre l’humanité, a même affirmé que Jean avait disparu en rendant visite à son frère Léonidas Hatungimana.
Huit ans viennent de s’écouler et le gouvernement burundais n’a toujours pas révélé où se trouve ce journaliste.
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